CSE du 10 octobre 2018

Monsieur le Ministre,

Vous avez décidé de présenter aujourd’hui, deux textes majeurs concernant votre réforme de l’enseignement professionnel public.  Ces arrêtés auront des conséquences sur la qualité de la formation des jeunes, sur l’organisation pédagogique des lycées mais aussi sur les pratiques enseignantes, les parcours des élèves, sur les contenus d’enseignement et l’évolution des modalités d’évaluation des diplômes alors que l’ensemble de ses sujets n’ont pas été encore discutés. Cette façon de faire s’apparente à un véritable déni du dialogue social.

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Ainsi, vous imposez des dispositifs qui auront des impacts inéluctables sur les pratiques pédagogiques alors que vous êtes incapable d’expliquer aux personnels ce qu’ils seront. De plus, vous étendez des dispositifs, mis en place au 2009, alors qu’ils n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

Dans votre reforme, rien de nouveau, la mise en place « du chef d’œuvre » est un ersatz du PPCP mis en œuvre avec la réforme « Mélenchon ». PPCP qui, faut-il le rappelé, avait disparu deux ans plus tard comme le volume horaire qui lui avait été dédié. Volume horaire qui avait été pris déjà à l’époque sur le volume horaire disciplinaire élèves.

Rien de nouveau non plus avec l’accompagnement personnalisé qui n’est rien d’autre qu’une multiplication d’heures fourre-tout, distribuées au bon vouloir des chef·fes d’établissement dans le cadre idéologique du développement de l’autonomie des EPLE. Faut-il rappeler que l’accompagnement personnalisé n’a jamais été évalué, qu’il y a pratiquement autant de fonctionnement et de contenus différents que d’établissements, que l’utilisation de ces heures est pour le moins obscure et que bons nombres de celles-ci ne sont pas dévolues aux élèves inscrits dans ces formations.

L’ensemble de ses mesures vont directement dans le sens du rapport d’audit de modernisation de 2006 qui avait pour objectif à l’époque de récupérer entre 8000 et 9000 postes chez les PLP.  Cet audit avait débouché sur la réforme du BAC PRO en 3 ans mise en place en 2009 qui avait permis d’élever mécaniquement le niveau de qualification des jeunes tout en supprimant une année de formation mais qui n’a pas permis de s’attaquer à la « simplification de l’offre des diplômes ».

Ce sera avec votre réforme 2018 ! Car si la création de 2nd à champ professionnel 2009 n’a pas permis d’atteindre cet objectif, il est fort à parier que l’uniformisation et la déspécialisation des formations par la mise en place des familles de métiers amèneront à une diminution de l’offre de formation pour les élèves et à terme à une réduction de nombre de diplômes.

Votre volonté de passer en force sur la fusion des bacs pros vente et commerce est aussi révélatrice du peu de cas que vous faites des enseignant·es. Cette fusion, la profession la refuse catégoriquement ainsi que le regroupement dans la seconde « famille de métiers » des bac pro vente, commerce et Arcu. Les PLP ne se laissent pas manipuler et savent pertinemment que cette transformation n’est pas un bac à options mais bien une fusion à peine déguisée. Cette fusion s’opère à l’identique de celle qui a donné naissance au BAC PRO GA. Elle est imposée contre l’avis de la profession, dans un contexte de 2600 suppressions de postes dans le second degré et celui d’une réforme dont la brutalité et la finalité budgétaire n’est plus à prouver. Les mêmes causes auront les mêmes effets : c’est une rentrée 2019 intenable pour l’ensemble des PLP concernés. Les personnels devront mettre en œuvre des nouveaux contenus de formation, de nouvelles pratiques pédagogiques imposées par la co-intervention, une seconde indifférenciée, de l’accompagnement à l’orientation, de la consolidation des acquis, du soutien et du tutorat. Et le tout avec des moyens en berne dans toutes les disciplines !

La FSU s’oppose fermement à cette fusion. Nous n’accepterons pas que les personnels et les jeunes soient de nouveau sacrifiés et malmenés pour des idéologies politiques de quelques-uns.

M le ministre, vos propos lors de votre audition à l’assemblée nationale le 2 octobre sur le lycée professionnel qui « coûte le plus cher et a le plus d’heures de cours » sans être « synonyme de réussite » ont profondément choqué la profession mais ces propos ont le mérite de clarifier l’objectif principal de votre reforme : faire encore des économies sur le dos des élèves les plus en difficultés. Avec cette réforme, c’est 600 postes qui pourront être récupérer d’ici 2019 sur les 2500 que vous avez annoncé.

En réalité le masque est tombé. Vous réitérez votre politique menée lorsque vous étiez directeur générale de l’enseignement scolaire : donner moins à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Cette réforme est donc la poursuite et même l’amplification de la réforme de 2009.

La FSU tient à rappeler que si la dépense intérieure annuelle pour un·e lycéen·e professionnel·le est supérieure à celle d’un·e lycéen·ne de la voie générale et technologique, elle reste néanmoins inférieure à celle de l’ensemble de la scolarité des élèves jusqu’à l’insertion professionnelle. Les jeunes de la voie professionnelle, très majoritairement, ne poursuivent pas de longues études. Ils et elles sont en emploi quand les jeunes de la voie générale et technologique sont encore en études.

Pour des raisons pédagogiques et de sécurité, les élèves de lycée professionnel ont plus d’heures de cours par semaine. L’apprentissage d’un ou plusieurs métiers nécessite des enseignements dans les ateliers ou salles spécifiques avec des groupes à effectifs réduits. Le nier relève d’un mépris envers les élèves mais aussi les professeurs de lycée professionnel (PLP).

Il est proprement scandaleux, de faire croire que les conditions de travail des PLP pourront s’améliorer en diminuant le volume horaire élève.  C’est faux puisque le volume complémentaire professeur même s’il a été augmenté d’une heure ne permettra pas, avec l’augmentation de l’AP et le financement de la co-intervention, le travail à effectifs réduits dans les enseignements généraux. Pire, imposer comme vous le faites des pratiques comme la co-intervention va considérablement dégrader les conditions de travail des enseignant·es.

Non, les professeurs de lycée professionnel ne sont pas « d’accord » avec votre réforme. Ils rejettent massivement la diminution des heures de cours, la généralisation de pratiques pédagogiques imposées d’en haut et le développement de dispositifs qui n’ont jamais fait preuve de leur efficacité pour une meilleure réussite des jeunes.  Ils savent que moins d’heure pour les élèves est synonyme d’une formation de moindre qualité et de difficulté accrues dans leur poursuite d’Etudes. Ils savent aussi qu’à terme, ces orientations auront de graves conséquences sur l’image du lycée professionnel qui s’en retrouvera encore plus dégradée.

Les personnels demandent plus de temps pour enseigner à leurs élèves dans des conditions d’études améliorées. Il demande des programmes progressifs et ambitieux permettant des liens avec l’enseignement professionnel et la mise en œuvre de projet pluridisciplinaire développée par les équipes sur la base du volontariat.  Ils demandent des dispositifs d’aide et d’accompagnement qui soient financés pour tous les élèves et pris en compte dans le service des enseignant·es. Au printemps dernier, M le ministre, vous déclariez votre prétendue estime aux professeurs de lycée professionnel. Aujourd’hui, avec la présentation de ces grilles, vous niez la difficulté du travail des PLP et vous méprisez les jeunes qui s’orientent dans nos lycées.

Le slogan de « l’excellence de la voie professionnelle » sert encore une fois à mettre en place le contraire pour   faire des économies sur le dos des jeunes issus des familles les plus défavorisées. Votre projet dévoile une vision négative et une méconnaissance des lycées professionnels.

Lieux de réussites, ceux-ci ont permis et permettent encore à des centaines de milliers de jeunes de sortir de l’école avec un diplôme et une première qualification.

En s’attaquant à tous les éléments qui permettent des parcours de réussite en lycée professionnel, en réalité, vous refusez l’exigence sociale d’une véritable valorisation de la voie professionnelle.

Votre projet met en danger à terme l’existence même des lycées professionnels publics.