Déclaration FSU – CTA du 19 juin 2018

Toute vérité est-elle définitive ? C’est sur cette question très intéressante et particulièrement d’actualité que les élèves de terminales ES ont composé pendant plusieurs heures hier matin, dans ce que beaucoup nomment abusivement le coup d’envoi du bac, oubliant par là-même que les lycéens de la voie professionnelle ont eux, commencé leurs épreuves depuis plusieurs semaines. Nous profitons de l’occasion pour rappeler l’attachement de la FSU à un bac aux épreuves terminales, nationales et anonymes. Revenons-en au sujet de philosophie des TES, qui résonne étrangement dans l’actualité. Le gouvernement avance au pas de charge, imposant ses propres vérités qu’il croit définitive mais qui sont pour le moins dérangeantes.
En confirmant sa volonté de généraliser la rémunération au mérite, de supprimer près de 120 000 postes de Fonctionnaires, ou encore de recourir de manière plus systématique à des agents sous contrats, le gouvernement n’entreprend ni plus, ni moins, qu’une vaste opération de démantèlement des services publics et de la Fonction Publique. La Fonction Publique, et l’Education Nationale en particulier, ont déjà massivement recours aux contractuels, notamment dans notre académie, notamment pour tenter de masquer, à moindre coût, les conséquences désastreuses de la crise de recrutement. Ainsi, dans le 1 er degré, notre académie compte 1 675 admissibles pour 1700 postes offerts au concours. Dans le 2d degré, le mouvement académique laisse près de 600 postes vacants. Des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de rémunération des non-titulaires, mais le compte n’y est toujours pas. La crise de recrutement ne sera résolue que par une réelle revalorisation de nos métiers : respect des engagements du PPCR et mesures pour nos carrières et nos salaires qui vont encore plus loin. A rebours de ces exigences, le Ministère persiste et signe avec des annonces inacceptables lors du rendez-vous salarial, et en dessinant les contours d’une réforme du recrutement des enseignants qui permettrait la constitution d’un vaste vivier de professeurs contractuels entre l’admissibilité et l’admission.
Le gouvernement s’attaque aussi au paritarisme, à travers son projet mal nommé de refonte du dialogue social. Les CAP ne seraient plus préalablement consultées sur les mutations, les 1 res affectations, les détachements, les réintégrations, les avancements et promotions. C’est la porte ouverte à des formes de politiques managériales dont les conséquences ont été désastreuses dans d’autres secteurs. Avec la suppression des CHSCT, ce projet est une illusion technocratique qui suppose qu’en supprimant le thermomètre on pourra ajuster la température. On est très loin de la bienveillance et de la confiance affichées par le ministre. Le paritarisme a été instauré au lendemain d’une période particulièrement sombre de notre histoire, il est devenu un élément fondateur de la Fonction Publique, le meilleur rempart contre l’arbitraire et l’opacité. S’y attaquer, c’est remettre en cause une conception bien particulière de la Fonction Publique : celle d’un Fonctionnaire citoyen, au service de l’intérêt généra, doté d’un statut protecteur qui permet aux fonctionnaires d’obéir à des valeurs, liberté, égalité, fraternité. Le gouvernement bafoue ainsi les droits fondamentaux des personnels. La FSU dénonce avec force ces projets réactionnaires et appelle les agents à réagir face à cette attaque sans précédent.
Et puisqu’il est question de démantèlement du service public, rappelons ici le sort fait au service public de l’orientation. Fermeture des CIO, transfert des missions d’information aux Région, remise en cause du rôle pourtant essentiel des PsyEN et des Dronisep….les dernières réponses du Ministère confirme cette volonté d’éclatement du service public : en donnant aux Recteurs la possibilité d’évaluer la pertinence de maintenir ou non les CIO sur tel ou tel territoire, le Ministère semble oublier que le corps des PsyEN est un corps de fonctionnaires d’état avec des missions identiques sur tout le territoire, et que les CIO sont aussi des structures appartenant à l’Éducation nationale. Les PsyEN, les CIO, les DRONISEP ont un rôle indispensable dans notre service public : garantir à tous, quel que soit le lieu d’étude, une information et des conseils solides, fiables, non assujettis à des intérêts privés ou à ceux des collectivités territoriales. Après le succès de la journée d’action du 5 juin à l’initiative d’une large intersyndicale (SNES-FSU, SE-UNSA, Sgen-CFDT, CGT Éducation, SNFOLC, Sud éducation), le Ministère doit entendre la colère de la profession et prendre les mesures nécessaires pour renforcer le service public de l’orientation au sein de l’Education Nationale (recrutement de PsyEN par exemple) plutôt que s’entêter à le démanteler avec des mesures qui vont à l’encontre de l’intérêt général.
Alors que la Ministre occupe le devant de la scène médiatique avec un discours bien rodé, un bilan sincère met en lumière le fiasco de ParcourSup. On compte davantage de candidats en attente à quelquesjours du bac (22% contre 19% l’an dernier). A trois jours de la fin de la première phase de ParcourSup, il restait 177323 candidats toujours sans affectation, soit 21,8% des candidats. Seuls 41% des candidats ont accepté définitivement une proposition, ce qui signifie que près de 3 candidats sur 5 ne sont pas satisfaits. Les lycéens des voies technologiques et professionnelles ont été particulièrement mal lotis. Au-delà des chiffres, il y a les faits, le quotidien vécu par les élèves, les familles et les personnels depuis plusieurs mois : le stress, l’attente, l’inquiétude, l’incompréhension. Il est trop facile de pointer celles et ceux qui dénoncent ParcourSup en incriminant le caractère anxiogène de leur discours. Le
gouvernement porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle. En s’entêtant à maintenir une certaine opacité sur le fonctionnement de ParcourSup, en refusant de rendre publics les algorithmes locaux, les taux de boursiers ou encore les quotas d’élèves hors académies, le gouvernement et l’ensemble de l’administration de l’Education Nationale alimentent de fait une forme de défiance et de soupçon dont notre système démocratique n’a pas besoin. Si ParcourSup a toutes les qualités vantées par F.Vidal, pourquoi tant de mystère ? La FSU exige que le gouvernement ouvre sans tarder des négociations pour construire une autre politique pour l’enseignement supérieur et un système d’affectation national, transparent, juste et respectueux des aspirations des lycéennes et des lycéens.
La question du sort des élèves des académies de Versailles et Créteil a été l’objet de nombreuses questions et débats : les chiffres de l’enquête menée par le SNES Versailles le montrent, les lycéens de banlieue ont été clairement lésés, en particulier ceux de l’Education Prioritaire. Mais puisqu’il est question de mixité sociale et d’avenir de nos élèves, terminons par une question dont nous espérons qu’elle n’aura pas seulement une dimension provocatrice : à quand des élèves parisiens prêts à tout pour venir poursuivre leurs études dans les universités d’Evry, Nanterre ou Cergy ?
Si les futurs bacheliers professionnels ont du mal à s’extirper des méandres de ParcourSup, le projet de réforme de la voie professionnelle présentée par le Ministre de l’Education Nationale ne laisse pas augurer de jours meilleurs. Cette réforme est idéologique et budgétaire. Idéologique car elle contribue au transfert de la formation professionnelle initiale vers les branches professionnelles et le patronat.
Budgétaire car elle diminue le temps de formation et les heures d’enseignements, particulièrement dans les disciplines générales. Associé à cette réduction, les dispositifs concernant les « innovations pédagogiques » sont révélateurs d’une vision passéiste des savoirs généraux cantonnés de nouveau à leur seule fonction utilitariste. Or, les disciplines générales ont bien d’autres fonctions : celle notamment de permettre aux jeunes de développer leur libre-arbitre ou celle liée à l’acquisition d’une formation initiale solide – deux éléments indispensables pour appréhender un métier dans sa globalité et activer, plus tard, les dispositifs de formation continue pour évoluer professionnellement.
La voie professionnelle est une voie de réussite. De nombreux jeunes y ont construit avec un succès à la fois un projet scolaire et une reconstruction personnelle. Le projet de réforme présenté par JM Blanquer tourne le dos à ces objectifs et annonce une dégradation des conditions de travail des personnels.
Pourtant, le ministre a déclaré « j’ai beaucoup d’estime pour ce que font les professeurs de lycée professionnel ». Pour la FSU, cela doit se concrétiser par des actes. Il faut remédier à l’injustice profonde vécue par les professeurs de lycée professionnel et accorder la pondération dont bénéficient les personnels des autres voies du lycée. Il est nécessaire aussi d’augmenter l’indemnité spéciale de sujétion liée au contrôle en cours de formation.
La perspective d’une réforme territoriale qui ressemble davantage à un redécoupage brutal de la carte administrative, sans considération pour les usagers et les agents laissent augurer de nouvelles dégradations du service public.
Alors, comment croire alors à l’école de la confiance quand l’avenir des jeunes et le quotidien des personnels est aussi malmené par les décisions ministérielles ? Ce ne sont pas les dernières annonces très médiatiques du Ministre qui vont changer les choses : par exemple, sur la laïcité, les prescriptions ne peuvent se substituer à une véritable formation.
Le rendez-vous salarial a confirmé le mépris que porte le gouvernement aux agents de la Fonction Publique en opposant une fin de non-recevoir à leurs revendications. La FSU est donc bien déterminée à montrer que les vérités que le gouvernement tient comme définitives au sujet des Fonctionnaires sont contestables et doivent être combattues. S’il y a une vérité définitive pour les Fonctionnaires, c’est celle portée par la FSU : être fonctionnaire, c’est servir l’intérêt général, c’est prendre part à l’objectif incontournable dans une démocratie de lutte contre les inégalités et c’est voir ce rôle protégé, reconnu et revalorisé. La FSU s’y emploiera avec force dans les prochains mois.